Le métavers, une nouvelle méthode du travail ?

Le métavers (metaverse en anglais) se veut être un monde virtuel immersif dans lequel il est possible de jouer, travailler, apprendre ou encore assister à des évènements culturels. L’invention du terme métavers est attribuée à Neal Stephenson qui le décrit comme « un monde parallèle accessible par un casque, dans lequel il est possible d’interagir avec des objets ou d’autres utilisateurs ». Les interactions se font au travers d’avatars agissant comme projection des utilisateurs. Ces avatars retranscrivent les mouvements ainsi que les expressions du visage des utilisateurs du monde réel dans le monde virtuel.

1.   L’intérêt du Métavers pour les entreprises et leurs collaborateurs

“Je prédis que la plupart des réunions virtuelles passeront des grilles d’images de caméras en 2D […] au métavers, un espace en 3D avec des avatars numériques […] Il y a encore du travail à accomplir, mais nous approchons d’un seuil où la technologie commence à vraiment reproduire l’expérience d’être ensemble au bureau.” Bill Gates lors de son bilan personnel de l’année 2021.

      La crise sanitaire a bouleversé le monde du travail. Les entreprises ont adapté leurs méthodes de travail et nombreux sont les travailleurs qui ont été invités à télétravailler depuis leur domicile. Si le nombre de personnes télétravaillant à temps partiel ou à temps plein a progressivement augmenté au fil des années, la pandémie de Covid-19 a indiscutablement accéléré ce phénomène et ancré le télétravail dans les habitudes. Aujourd’hui, près d’une personne sur quatre ne souhaite pas retourner au bureau tous les jours.

       Dans cette lignée, le métavers promet de révolutionner les méthodes de travail et d’échange. Cet environnement immersif vise à faciliter la collaboration, la communication et augmenter la concentration ainsi que la productivité tout en limitant les contraintes physiques.

       L’utilisation de la réalité virtuelle permet d’organiser des réunions – comme nous avons pris l’habitude de le faire avec Teams – plus immersives. La technologie de spatialisation sonore (la parole semble venir de la direction de la personne qui parle), la reproductibilité des mouvements (handtracking) et expressions du visage apportent une proximité entre les interlocuteurs que l’on ne retrouve pas avec une visio-conférence. La réalité virtuelle permet de retrouver le langage corporel – reflétant nos sentiments, nos émotions, notre personnalité – spécifique aux interactions réelles, permettant de mieux se comprendre, d’analyser les actions et de prendre de meilleures décisions.

La réalité virtuelle permet de ne plus être uniquement spectateur d’une réunion mais bien acteur ; elle améliore l’attention des participants. En effet, il est impossible d’effectuer des tâches de fond (lecture de courriels, recherches sur Internet) lors des conversations en réalité virtuelle, habitudes prises avec les audioconférences et vidéoconférences.

Les réunions virtuelles donnent également accès à de nouveaux outils collaboratifs. Les salles virtuelles sont configurables et personnalisables en fonction du contexte de la réunion : conférence, séminaire, brainstorming, etc. Il est ainsi possible de disposer d’une scène, d’un tableau blanc virtuel ou encore d’un modèle 3D au milieu de la salle. Nous pouvons très bien imaginer reproduire l’environnement d’une conférence pour préparer et s’entrainer à une représentation publique. Les sessions virtuelles étant persistantes, l’environnement virtuel ainsi que les travaux effectués peuvent être retrouvés ultérieurement.

       Enfin, la réalité virtuelle permet de préserver les conversations informelles. Les différents environnements de travail comprennent des salles virtuelles pour les pauses café ou les pauses jeux. Se rendre dans une autre pièce afin d’avoir une discussion informelle comme dans le monde réel devient alors possible ; ce qui n’est pas le cas en télétravail. Bien qu’elles exigent un investissement préalable (équipement, apprentissage), les réunions virtuelles peuvent réduire les coûts de déplacement pour les employés tout comme les réunions par vidéoconférence. 

2.  Les limites

La généralisation du métavers et de la réalité virtuelle n’est possible que si une majorité de collaborateurs ont accès à un casque de réalité virtuelle, ce qui n’est pas le cas pour le moment bien que le marché se développe rapidement. En guide de comparaison, lorsque la crise sanitaire a frappé le monde entier, les réunions en visioconférence ont pu devenir un standard car une majorité des Français avaient déjà accès à un ordinateur ainsi qu’à une connexion stable et sécurisée.

Il convient aussi de souligner qu’une réunion en réalité virtuelle nécessite un processus complexe. Alors qu’une réunion en visioconférence est accessible depuis n’importe quel emplacement (bureau, train), une réunion en réalité virtuelle nécessite un espace dédié sécurisé. Il est également important de considérer le temps requis pour mettre le casque de réalité virtuelle et ses accessoires. L’usage de ces technologies peut aussi se révéler plus complexe. 

Les réunions dans le métavers n’ont pas pour vocation de remplacer totalement les réunions en visio-conférence ou l’appel audio mais constitueront un nouvel outil à disposition des collaborateurs. La bonne définition de ses besoins est donc essentielle avant de se lancer dans ce monde virtuel.

3.  Risques et impacts

Bien que le métavers apparaît comme le futur d’internet et est annoncé comme une révolution, il semble important de mentionner les impacts qu’il pourrait avoir sur notre société.

Dans un contexte d’urgence écologique et de sobriété énergétique, l’impact environnemental de l’instauration de tels dispositifs doit être pris en compte. En France, l’empreinte carbone du numérique est équivalente à celle du transport aérien. Les trois sources de la pollution numérique sont :

1.   La fabrication, la distribution et la destruction des équipements numériques

2.   Le fonctionnement du réseau

3.   Le fonctionnement des centres de données. 

Le premier facteur est le plus important et représente 63% des émissions de gaz à effet de serre causées par le numérique. En effet, la fabrication d’équipements requiert des dizaines de métaux et terres rares dont l’extraction est très néfaste pour l’environnement. La mise en place de métavers et une généralisation de la réalité virtuelle requerront de nouveaux équipements et de nouveaux réseaux qui augmenteront considérablement l’empreinte carbone du numérique. Les cryptomonnaies – qui sont la base des transactions du métavers – sont également très émettrices de CO2 car très énergivores).

D’ici 2040, l’empreinte environnementale du numérique devrait augmenter de 60% pour atteindre les 25 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit 0,37 tonne d’équivalent CO2 par français (la stratégie nationale bas carbone prévoit une émission annuelle de 2 tonnes d’équivalent CO2 par personne d’ici 2050).

L’utilisation du métavers requiert des équipements de réalité virtuelle (dont le casque VR) qui ne sont pas sans impact sur la santé. En effet, le poids (pour le moment environ 500g) d’un casque de réalité virtuelle peut provoquer des troubles musculosquelettiques au niveau du cou ou encore du dos. Les effets des écrans, comme la lumière bleue ou la modulation temporelle de la lumière, augmentent la fatigue visuelle et peuvent provoquer des maux de têtes et effets visuels non désirés. Ces sensations peuvent être complétés par la cybercinétose (équivalent du mal des transports pour la réalité virtuelle). Un autre problème physiologique mais pas le moindre est l’accidentologie. En effet, en portant un casque de réalité virtuelle l’utilisateur n’est plus capable d’interagir et d’anticiper dans le monde réel. 

En plus des risques physiologiques, l’utilisateur peut être sujet à des risques psychologiques. Dans un contexte d’immersion totale, les expériences émotionnelles sont très fortes et peuvent mener à une déréalisation, une dépendance ou encore un isolement social. Il est important de prendre cela en compte et de sensibiliser les utilisateurs, que ce soient les membres de notre famille, nos amis ou nos collègues de travail.

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