La co-construction, facteur clé de réussite d’un plan stratégique
Introduction
Au sein d’écosystèmes de plus en plus complexes et concurrentiels, l’importance de définir et structurer la stratégie d’entreprise est bien ancrée dans l’esprit de nombreux dirigeants, que ce soit dans des contextes de développement ou de pérennisation de l’activité. Pour autant, il subsiste encore des échecs tant dans la construction de ce type de démarche que dans l’efficacité de sa mise en action. En effet, la réussite d’un plan stratégique dépend d’un ensemble de facteurs clés parmi lesquels l’approche collaborative joue un rôle crucial.
Nous nous attachons dans cet article, après avoir explicité la notion de plan stratégique, à explorer la dimension de co-construction en tant que facteur clé de réussite d’un plan stratégique.
Qu’est-ce qu’un plan stratégique ?
Eléments de définition
On peut parler indifféremment de plan stratégique, projet d’entreprise ou Plan Moyen Terme (PMT). Un Plan Stratégique, définit les objectifs d’une organisation à moyen/long terme et fixe le cap vers le futur souhaité ! Il permet de s’appuyer sur une vision stratégique d’une organisation à moyen et long terme, sur les trois à dix années à venir. Certaines entreprises choisissent plutôt de s’inscrire dans une vision intemporelle qu’elles déclinent en feuilles de route pluriannuelles, en général de deux à trois ans.
La démarche de mise en place d’un plan stratégique, en ce qu’elle traduit une vision du futur souhaité pour l’entreprise, se différencie des dimensions tactique et opérationnelle qui visent à plus court terme à :
- Résoudre des problèmes complexes et/ou récurrents auxquels l’organisation peut être confrontée.
- Mener les actions permettant de mettre en œuvre la stratégie préalablement définie.
- Mener à bien ses activités, tout en s’inscrivant dans une logique d’amélioration continue.
La philosophie d’un plan stratégique, même si elle reste nécessairement liée au quotidien de l’entreprise, s’inscrit dans un temps plus long et implique de porter un regard un peu plus « distant » du quotidien afin de pouvoir se réinventer et s’orienter vers des actions et des solutions plus ambitieuses et innovantes.
Les étapes clés de la construction d’un plan stratégique
La construction d’un plan stratégique d’entreprise suit plusieurs étapes clés, qui permettent d’assurer une démarche structurée et cohérente :
1 – Une analyse de la situation actuelle : à l’issue de cette 1ère étape, consistant en une analyse interne et externe, un diagnostic stratégique aura été établi afin de définir la situation actuelle et d’identifier les éventuelles problématiques auxquelles l’organisation est confrontée.
2 – Une définition du futur souhaité, cette 2ème étape va permettre de définir l’ambition en fixant :
- Les axes stratégiques qui déclinent la vision en structurant les grands enjeux à adresser afin de répondre à l’ambition du PMT.
- Les objectifs stratégiques qui portent les résultats stratégiques et seront les marqueurs de la réussite du projet d’entreprise.
3 – La détermination des modalités d’atteinte de l’ambition : il s’agit ici de déterminer, de façon concrète, la manière d’atteindre la situation voulue. Cette 3ème étape permet de définir :
- Les initiatives stratégiques qui portent les projets permettant d’atteindre les résultats clés/stratégiques, indicateurs de suivi au niveau de chaque objectif stratégique.
- Les Projets stratégiques qui portent les actions de déclinaison opérationnelles du PMT et vont permettre son lancement.
La co-construction, un des leviers de réussite d’un plan stratégique
Concept de co-construction
De prime abord, le terme de «co-construction » semble simple à appréhender : c’est ce que l’on construit ensemble. Pourtant, son utilisation courante, du fait de son succès, finit par le dénaturer. On le confond souvent avec d’autres notions voisines comme la participation, la coopération, la concertation…
C’est pourquoi, nous vous proposons de nous appuyer sur le chapitre 1 « Définition et dimensions de la co-construction », de l’ouvrage La co-construction. Une alternative managériale de Michel Foudriat, afin de donner un cadre théorique clair au concept de « co-construction ».
Michel Foudriat le définit comme « un processus par lequel des acteurs différents confrontent leurs points de vue et s’engagent dans une transformation de ceux-ci jusqu’au moment où ils s’accordent sur des traductions qu’ils ne perçoivent plus comme incompatibles. Ce moment particulier est celui où ils pensent avoir défini un « monde commun » qui va fonder leur compromis ; ils pourront alors poursuivre leur coopération afin de construire un projet d’action commun et réfléchir ensemble à sa mise en œuvre. »
Quel que soit le champ d’application du concept de co-construction, deux constantes transverses ressortent :
- La co-construction est un processus qui valorise les points de vue d’acteurs qui étaient rarement pris en compte auparavant.
- Elle naît des discussions entre différentes parties prenantes, aux avis parfois divergents, qui par cette dynamique d’échange arrivent à un accord.
Quand l’intérêt commun naît de la discussion
Ludovic DEMIERRE, VINCI
« Ce que j’entends beaucoup, c’est que le sens chez VINCI Construction naît de la discussion. Je pense que le sens, c’est d’abord et avant tout la conjonction des sens individuels. Si on veut que l’entreprise ait un sens commun, il faut arriver à ce que ces sens individuels s’alignent un minimum. Ils gardent leur spécificité, ils gardent leur autonomie, mais il faut qu’ils s’alignent à minima pour pouvoir aller, collectivement, dans le même sens. Evidemment que l’intérêt du jeune manager n’est pas celui de son chef d’agence. Ce n’est pas foncièrement le même, mais ils ont un intérêt commun. […] »
Truong, O., Jaidi, Y., Storch, O. et De Geuser, F. (2022) . Partie 3. Les solutions pratiques ou comment construire le sens ensemble. Panne de sens Manager pour qui, pour quoi, comment ? (p. 69 -118). Dunod. https://shs.cairn.info/panne-de-sens–9782100833023-page-69?lang=fr.
Pour bien comprendre ce qu’est la co-construction, il faut la distinguer d’autres concepts proches comme la participation, la consultation, la concertation, ou encore la coopération.
La participation renvoie à différentes pratiques qui ont des degrés variables d’implication des acteurs dans un processus délibératif. Sans participation, la co-construction n’existe pas ; mais toute participation ne suppose pas qu’il y ait co-construction.
La consultation vise à recueillir l’avis d’acteurs concernés par la mise en œuvre d’un projet ou par une action mais qui n’ont pas été associés à son élaboration. Dans une grande majorité des cas, elle n’a pas vocation à prendre en compte les avis émis mais à affiner les stratégies de communication de décisions déjà prises.
La concertation cherche, quant à elle, à impliquer plusieurs acteurs en confrontant des points de vue, des arguments. Elle n’aboutit pas à une décision mais la prépare.
Enfin, si la coopération et la co-construction sont toutes les deux influencées par les jeux de pouvoir des acteurs d’une organisation, la coopération ne se décrète pas, là où la co-construction est définie par des règles formelles.
Michel Foudriat arrive à la conclusion suivante : « Toutes ces définitions montrent qu’il est nécessaire de ne pas confondre co-construction et « montée en participation » : un processus peut comporter une phase de co-construction sans pour autant inclure les acteurs dans la démarche. Inversement, la participation d’acteurs à une démarche ne veut pas dire que celle-ci est nécessairement de type co-constructiviste. »
Les bénéfices de la co-construction
La co-construction assure une mise en œuvre efficace et durable de la stratégie.
En effet, en permettant une vision partagée de la situation initiale, de l’ambition et du chemin pour atteindre la situation voulue, la co-construction assure une appropriation, une adhésion et un engagement des parties prenantes clés et par la suite un gain de temps et une efficacité renforcée sur la mise en action.
Au-delà, l’implication de tous les niveaux de l’organisation dans le processus de co-construction permet de garantir que les plans stratégiques sont à la fois ambitieux et réalistes.
Si l’on s’attache un peu plus en détail aux avantages associés à une démarche de co-construction, voici les principales raisons pour lesquelles une entreprise pourrait opter pour une démarche impliquant ses collaborateurs.
Une meilleure compréhension et appropriation de la stratégie par les équipes : la co-construction favorise en effet une meilleure compréhension des enjeux et des défis auxquels l’entreprise est confrontée. Lorsque les parties prenantes participent à l’élaboration du plan stratégique, elles sont donc plus susceptibles de s’approprier la stratégie et de contribuer activement à sa mise en œuvre.
L’engagement et la motivation des collaborateurs : la co-construction comme processus permettant de faire émerger un point de vue perçu par chacun des acteurs parties prenantes comme acceptable, permet de renforcer l’engagement et la motivation des collaborateurs qui auront eu la possibilité de partager leur conviction en participant à la construction d’un compromis ou accord de co-construction.
L’amélioration de la créativité et de l’innovation : la diversité des points de vue permet de générer des idées novatrices et des solutions créatives aux défis stratégiques. La démarche de co-construction permet donc d’innover davantage que dans une approche purement traditionnelle ; pour autant, si l’on souhaite renforcer la dimension d’innovation, il est recommandé d’avoir recours à des méthodes plus spécifiques : Design Thinking, Design Sprint, LAB d’innovation, solutions développées par des Startup, etc.
La facilitation de la mise en action : dans la mesure où les collaborateurs sont directement impliqués dans la co-construction des modalités d’atteinte de l’ambition, l’approche collaborative permet de s’assurer du réalisme des actions co-construites, de leur planification et donc de faciliter leur mise en œuvre et par-delà, de garantir l’efficacité du plan stratégique. En ce sens, la co-construction est un levier qui facilite la conduite du changement associée au projet d’entreprise. Les collaborateurs qui ont participé deviennent des relais du changement auprès de leurs collègues, impulsant une nouvelle dynamique.
Conclusion
La co-construction apparaît comme un levier stratégique essentiel pour assurer la réussite et la durabilité des projets d’entreprise.
Elle se distingue des approches classiques, par sa capacité à intégrer et à fédérer plus largement les parties prenantes autour d’une vision partagée, ce qui permet non seulement d’améliorer l’adhésion et l’engagement des collaborateurs, mais aussi de favoriser l’innovation et la créativité. En impliquant tous les acteurs dans le processus décisionnel, la co-construction garantit des plans stratégiques qui sont à la fois ambitieux et réalistes, tout en facilitant leur mise en œuvre grâce à une appropriation collective des enjeux et des actions à entreprendre.
Ce processus, bien que demandant un cadre structuré et des règles formelles, permet ainsi de transformer les défis complexes en opportunités de collaboration et de succès commun. Dans un environnement où la réussite d’une stratégie dépend de plus en plus de l’agilité et de l’engagement des équipes, la co-construction s’affirme comme un facteur clé pour naviguer avec succès vers un futur partagé et durable.