Le secteur assurantiel face au changement climatique – Les constats
Cet article constitue la première partie d’une série dédiée aux conséquences du changement climatique sur les activités assurantielles. Dans ce premier article, nous posons un état des lieux de la situation à laquelle font face les assureurs. Dans les suivants, nous explorerons les conséquences de ces changements et les pistes de transformations possibles afin de pérenniser le business model des assureurs, ainsi que la mission de résilience et de protection de la société qu’ils portent.
L’actualité est imprégnée d’évènements climatiques extrêmes. Nous avons tous en tête les inondations en Bretagne ou l’épisode de grêle en Ile-de-France. Ces aléas naturels, de plus en plus fréquents, sont le marqueur d’un changement climatique progressif de notre planète.
Rien que le jeudi 19 juin 2025, des experts climatiques français et anciens contributeurs du GIEC (l’instance scientifique mondiale de référence sur le climat) dont la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, ont pris la parole d’une seule voix : la limite de 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle est désormais hors d’atteinte. Un constat grave, exprimé avec clarté pour la première fois depuis 2015, marquant un tournant dans l’échec collectif à tenir l’objectif de l’accord de Paris.
Parce qu’ils couvrent les assurés face à ce type de risque, les assureurs et le secteur assurantiel dans sa globalité, se trouvent au cœur des bouleversements météorologiques. Tout en interrogeant le modèle traditionnel, ces bouleversements font émerger de nouvelles stratégies dont le but est d’anticiper et limiter les coûts humains, matériels et financiers.
1) Changement climatique et sinistralité
Le changement climatique est défini par le GIEC comme « l’augmentation dans l’atmosphère de la concentration en gaz à effet de serre (GES) du fait des activités humaines (notamment la combustion des énergies fossiles, l’utilisation d’engrais de synthèse, et la production de GES artificiels tels que les gaz réfrigérants par exemple) perturbant les équilibres climatiques de long terme à l’échelle planétaire. »
Le rapport LANGRENEY identifie plusieurs catégories de risques climatiques :

France Assureur, en s’appuyant sur une étude de la Fédération Française de l’Assurance, montre que les coûts sinistres par catégorie de risques vont augmenter durant les prochaines décennies.
Pour exemple, nous pourrions assister à un triplement des coûts sinistres liés à la sécheresse (43 milliards d’euros en cumulé d’ici 2050). Les dégâts causés par les inondations pourraient également augmenter et atteindre 50 milliards d’euros cumulés d’ici 2050.
- Les coûts des sinistres climatiques pourraient doubler à horizon 2050.
La hausse de la sinistralité, due à l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes, fait peser un poids financier important sur le secteur. Toujours selon France Assureur, le dérèglement climatique rejoint les cyberattaques en tête des risques pour les assureurs. A horizon 2050, les dégâts cumulés causés par les aléas naturels pourraient atteindre 143 milliards de dollars.
Cette hausse des coûts va avoir un impact direct sur l’état financier des assureurs. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a réalisé un stress-test climatique auprès de 15 grands groupes représentant 90 % des bilans d’assurance français. Les résultats publiés en 2024 ont notamment montré une baisse de la solvabilité du marché entre 2022 et 2025.
L’explosion des coûts sinistres poussent à repenser l’offre tarifaire. Ainsi, selon le cabinet Facts & Figures, les tarifs de l’assurance habitation devraient augmenter de 10 à 12% en 2025, soit deux fois plus qu’en 2023 et 2024.
De son côté, le régime Catastrophes Naturelles, mis en place il y a 40 ans, est de plus en plus déficitaire. En conséquence, la surprime Cat-Nat appliquée aux assurances habitation est passée de 12% à 20% en 2025.
2) Changement climatique et déserts assurantiels
La fréquence et l’imprévisibilité des phénomènes climatiques extrêmes incitent les assureurs à repenser leur offre tarifaire mais aussi leur couverture territoriale. En effet, en cas de sinistres climatiques trop fréquents et coûteux, il peut être difficile d’assurer une zone donnée. La survenance de sinistres entraînant un coût important pour couvrir les dégâts.
Voici une autre externalité négative du changement climatique : le retrait progressif des assureurs et l’apparition de déserts assurantiels.
Par exemple, en Californie, plusieurs assureurs, tels qu’AllState depuis fin 2022, ont cessé de proposer la souscription de nouveaux contrats d’assurance en raison des incendies et des coûts de réparation qui en découlent, les primes de réassurance étant devenues prohibitives.
Le changement climatique, impactant financièrement les assureurs, est donc une des causes de l’apparition de déserts assurantiels. Ce phénomène met en tension le modèle traditionnel du marché des assurance, basé sur la mutualisation du risque.
Face à cette réalité climatique, les acteurs du secteur ne se contentent pas subir, mais innovent en élaborant des stratégies d’adaptation.
3) Changement climatique et stratégies d’adaptation
Les assureurs disposent de plusieurs pistes d’actions pour s’adapter au contexte climatique actuel.
Ils peuvent s’appuyer sur les acteurs publics pour renforcer leur résilience : le Fonds BARNIER permet de sensibiliser et d’accompagner les biens exposés aux risques naturels majeurs. La Caisse Centrale de Réassurance joue également un rôle majeur dans la stabilité du système assurantiel. Sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances, elle prend en charge une partie des indemnisations des assureurs lors de catastrophes naturelles. In fine, cela permet d’absorber au maximum les chocs extrêmes.
En parallèle, les assureurs connaissent une évolution de leur modèle et tendent vers le rôle d’assureur-préventeur. La gestion curative d’un sinistre n’est plus la seule réponse aux aléas naturels : la prévention des risques climatiques prend de l’ampleur dans les différentes compagnies d’assurances. L’objectif est clair : anticiper le risque pour réduire la vulnérabilité des assurés. Pour exemple, des campagnes de sensibilisation sont menées pour faire prendre conscience du risque et adopter les comportements qui sauvent..
Parmi les pistes explorées, on peut également mentionner la mise en place de nouveaux modèles d’assurance :
- Définition de cartographie des risques climatiques, basées sur les bases de données climatiques, qui permettent une tarification plus fine en fonction.
- Assurances paramétriques qui impliquent une indemnisation automatique en fonction d’indicateurs objectifs tel qu’un niveau d’eau lors d’une crue.
- Mutualisation des risques entre assureurs et réassureurs afin de garantir une plus forte résilience financière.
L’intensification des catastrophes naturelles fait peser des coûts financiers importants sur le secteur assurantiel l’obligeant à réinterroger son modèle. Dans une logique d’anticipation, les assureurs développent des stratégies d’adaptation dont l’objectif est de limiter les dégâts liés aux sinistres climatiques. En ce sens, la prévention des risques climatiques apparaît alors comme un levier déterminant.
Dans la prochaine partie de notre série dédiée aux impacts du changements climatiques sur les activités assurantielles, nous étudierons les dispositifs existants ainsi que la façon dont ils pourraient être couplés à une implication accrue des assurés afin d’assurer la durabilité de la protection apportée.